Monique Laederach
Flèche dérobée au vent
Editions L’Âge d’Homme, 2003
De: Monique Laederach. Flèche dérobée au vent. Editions L’Âge d’Homme, 2003
Fin avril, et tout chante, remarque-t-elle. Tout en douceur, les blancs, les roses, et les bleus: chaque saison a ses couleurs, sa tonique et sa dominante. Seigneur, laissez que je sois comme les autres! Mais le soleil sur son visage levé lui signale le mensonge: je ne suis plus la jeune fille incandescente que je rêve, et même: je ne l’ai jamais été. A l’intérieur, oui, flammes et bouillon-nements. Et quelle expression extérieure? «Pas d’excès, ma chérie. Les excès sont le pays des charretiers et des femmes du peuple.» Je ne suis pas du peuple, Dieu sait. Et Frantz? Peut-être est-ce là mon seul argument: non seulement je suis poétesse, mais issue d’une bonne maison? Nausée, nausée.
Ainsi, se dit-elle assise sur le vieux banc, je pense à Frantz comme s’il habitait ici, déjà? mon enfant? Ah! Marie, comme tu as dû l’aimer!
Comme c’est changé, comme c’est beau,
Depuis que mes yeux ont rencontré les tiens!
Dans chaque ourlet de chaque flot
Je découvre à présent quelque visage humain1
Sa, 22.05.04, 14:00
Tiré de: Nos voix seulement dormaient. Textes pour l'Octuor de Schubert. A lire dans "Drehpunkt", mai 1994
1991
De: Monique Laederach. Die Liebe ist schon mal erfunden worden. 1991
Quand j'étais petite, dit-elle,
et sa voix pleine de petits cailloux,
J'entendais mon corps J’entendais
dedans la rumeur et les battements
et les borborygmes,
Tu comprends?
Et je dansais toute seule, les poings
sur les oreilles
J'écoute dans ma voix la trace de la voix
de ma mère
et j'entends qu'elle pleure et qu’elle
gémit et qu'elle supplie
Moi qui ne suis pas née j’entends
sa voix abandonnée,
le sang séché sur elle, tellement
séché qu'il ressemble
aux larmes des femmes brilées vives à
cause de l'amour,
et qu'il ressemble à l’amour
et nous n'avons reçu que cela, rien d’autre
que cela qui ressemble à l'amour,
sûres, nous, qu'il est parmi le sang,
consubstantiel.
Di, 15.05.94, 11:00
Di, 07.05.89, 10:30
Tiré de: La femme séparée
1986
De: Monique Laederach. Trop petit pour Dieu. 1986
Le visage d'Anne inversé dans le miroir, mais lui donner un autre nom, son nom à elle, elle s'appelle... Pas encore, pense Anne. Pas encore. Lui laisser le temps de prendre au-delà du visage son épaisseur, dormir avec elle, rêver avec elle, parler avec elle, pourquoi pas: elle finira bien par dire son nom.
Ve, 09.05.86, 20:00
Sa, 10.05.86, 20:15
Perséphone
1984