Annie Saumont (FR)
Après
Èditions Robert Laffont (Julliard), 1996
Aus: Annie Saumont. Après. Èditions Robert Laffont (Julliard), 1996
Je sais bien qu‘je suis pas un camion. J‘ai avalé presque tout ce qu‘on m‘a refilé ici monsieur, les gouttes les comprimés les pilules et toujours quand l‘idée m‘a repris j‘ai voulu la remplacer. Et toujours j‘ai pensé à Fredo.
Au moins, tant qu‘il était en taule on le voyait un peu, Fredo. Mam‘ elle m‘em-menait pour les visites. On emportait des biscuits. Fredo me faisait une chatouille dans le cou il soufflait à maman, Surveille le gamin. Et maman elle gémissait que dans la vie y avait des bavures. Disant, Toi Fredo t‘aurait pu être quelqu‘un, t‘aurais pu entrer chez Darty, dans les Postes, à la RATP. Il se marrait. Fredo. Pour moi de l‘entendre rire c‘était comme mettre un tigre dans mon moteur. Volant braqué à mort je soignais mes vroumm vroumm. Même que le gardien m‘a dit, Continue et on te fout à la casse. Ma mère elle a pas apprécié elle criait que bravo maintenant on s‘attaque aux gamins, qu‘elle en causerait au directeur et après elle irait se plaindre au Président de la Ré-publique. Moi j‘avais plutôt envie de foncer dans les portes blindées, de me taper un cent chrono contre les grilles.
D‘accord je sais monsieur. Je suis pas un camion. En ce temps-là j‘étais pas sûr.
(tiré de: Je suis pas un camion)