Marie Le Drian (FR)
Hôtel maternel
Éditions Robert Laffont, 1996
Aus: Marie Le Drian. Hôtel maternel. Éditions Robert Laffont, 1996
On nous demande aussi d’arranger nos enfants pour la promenade du dimanche et de les garder près de nous. Le plus près possible. Il ne faut pas que les hommes en attente puissent confondre notre enfant avec celui d’une autre. Nous nous faisons discrètement rappeler à l’ordre si nos enfants sont trop éloignés. Au-delà du grillage ceux qui nous regardent doivent deviner immédiatement. Ne pas se tromper. La promenade est trop courte. Pour avoir le temps de réfléchir, ils doivent très vite savoir ce qui est à qui.
„Gardez-les donc le plus près possible de vous.“
C’est ce dont j’ai peur chaque dimanche. Qu’un des enfants s’échappe. Qu’au-delà du grillage, en n’en voyant qu’un seul, un homme puisse me choisir et penser „quelle aubaine!“. Qu’ensuite je sois appelée au parloir et refusée en raison de mon deuxième. J’ai peur de cela!
Ou qu’ils s’échappent tous les deux!
Si je reste seule à déambuler dans le parc, sans compagnie, on pensera que je suis une mère de bébé. Une mère de bébé ayant enfreint la règle fondamentale de l’établissement pour s’envirer seule, en cachette, des odeurs du parc. Si je reste seule, les regards passeront sur moi sans s’arrêter.