Raphaël Kalmy
Les solitudes enchantées
Editions Métropolis, 2000
Aus: Raphaël Kalmy. Les solitudes enchantées. Editions Métropolis, 2000
Cela doit être la pluie, la nuit tombée trop vite sur le village, sinon, cela doit être les restes de la pluie d’avant, elle noircit le portail du Temple de la mise en forme et change le désert de sable en désert de boue, depuis la fenêtre où je n’observe rien, dans la mesure où le frigo occupe une bonne moitié de son cadre (et petit trésor penché sur les pages rendues fluides: comme si elles retrouvaient dans ce que j’écris dessus, la pleine santé après un long assèchement, un peu à la manière dont le lit d’un fleuve gelé retrouverait enfin la masse d’eau utile à le conduire une dernière fois dans l’Océan), depuis la fenêtre je devine une bonne partie de cela, le portail à voûtes multiples, chacune reprise par une colonette ornée d’un buste de ses meilleurs clients, le portail du Temple de la mise en forme enflé par la pluie comme une ruche d’abeilles, noirci par la nuit trop vite tombée sur le village, elle en a pris l’habitude avec un plaisir visible ces premiers jours d’automne, et le frigo ne sera rien d’autre bientôt qu’un peu de la température extérieure entrée dans la chambre.