Guy Poitry
Tiré de: Débordements, inédit
Editions Métropolis, 1998
Aus: Guy Poitry. Chutes. Lambeaux et ratés. Editions Métropolis, 1998
Sentir ce qui bouge: en soi, autour de soi, sous vos pieds. Cette terre dont les mouvements sont si peu perceptibles pourtant, rarement violents: des coulées de terrain, quelques chutes de pierre... Elle se fait, se refait, se donne sans se donner tout à fait comme vous, elle a ses mouvements d'epaule ses petits gestes énervés qui vous font savoir qu'elle vous tolère, à certains moments mieux qu'a d'autres.
Elle se refuse aussi. On monte, on descend; à l horizontale, ce n'est qu'un petit espace: par la verticalité, elle vous résiste, vous impose des rythmes hachés, des tours et des détours; et soudain c'est l'impasse, vous oblige au retour.
Devoir lever les yeux, devoir les baisser; ne pouvoir regarder qu'à deux pas de soi, puis tout à coup laisser l'oeil s'élancer par une échappée: se sentir à l'etroit, surplomber enfin: découvrir d'immenses étendues, de tous côtés; être dans le ciel même, et sans autres frontières que les siennes. Vivre dans le petit comme dans le grand, dans le proche comme dans le lointain.
Et c'est un ruisseau qui court entre deux pentes: on le prend pour lui-même, on suit ses bonds et rebonds, ses instants d'egarement, puis on songe à celui-ci, celui-là, cet autre encore, et tant et tant qui, dici et d'ailleurs vont se joindre, faire route commune et disparaître en une même mer; ou tout au contraire, si proches à l origine, se séparer, sen aller lun au Nord, lautre au Sud, celui-ci à l'Est, celui-la à l'Ouest. Une terre qui n'est que ruissellements, qui déborde de partout, oi tout fuit.